Temps et transformation des villes

Des habitants regardent le projet qui figure l’évolution de leur quartier et que les responsables de l’urbanisme de la collectivité présentent. Ils sont persuadés, sans que l’on songe à les en mettre en garde, que la réalisation devrait intervenir dans les prochains mois. Ils réitèrent d’autre part leur demande que l’on résolve d’abord les problèmes concrets qu’ils ont aujourd’hui.
Le maire d’ une grande ville souhaite faire de la qualité des espaces publics un des objectifs de sa politique municipale. Pour ce faire, il demande à examiner tous les projets. Il s ‘avère et c’est normal que 10, 20, 50 opérations sont programmées un peu partout sur le territoire communal. Comment analyser correctement 50 projets (50 heures à chaque étape d’étude?) alors que sa charge ne lui permet de dégager que quelques heures par semaine pour traiter de ce sujet ?
Durant un mandat municipal, la commune a mis énergie et argent sur la construction d’une ligne de tram. La ville a connu des difficultés de fonctionnement du fait des travaux mais de plus, une analyse fine des déplacements en automobile démontre que ceux-ci n’ont cessé de croître pendant ce temps, participant à rendre plus difficile la vie en ville. Comment répondre de manière efficace à des problèmes qui ne cessent de s’aggraver ?
C’est que tout projet de transformation urbaine doit prendre en compte le temps et trois exemples pris à des étapes différentes des processus en oeuvre permettent de faire comprendre en quoi intégrer le temps constitue une part de la compétence des acteurs de l’urbain.
La transformation urbaine obéit à plusieurs temps différents : celui des habitants n’est pas le même que celui de l’aménageur ou que celui du promoteur ou par exemple de l’évolution du marché. Etre un bon aménageur impose de maîtriser le mieux possible tous ces temps différents de manière à construire des stratégies qui appréhendent au mieux les conditions d’un contexte lui-même toujours en mouvement ( c’est le cas par exemple en matière économique). L’aménagement conduit aussi à coordonner des acteurs, des processus qui n’ont pas les mêmes règles ou les mêmes intérêts et la question de la gestion du temps, de la coordination des temporalités entre elles est donc primordiale. Dans ce cadre, la connaissance même des plannings, la manière dont ils sont utilisés et actualisés est une des compétences d’un bon maître d’ouvrage. Bien entendu, le public n’a pas à se préoccuper de telles questions et la concertation pourrait apparaître dans ce contexte comme destructurante voir dangereuse pour l’efficacité même du résultat. Au contraire, il apparaît seulement qu’elle doit être introduite dans la gestion du temps avec le même sérieux, la même rigueur que par exemple les temps administratifs. C’est la condition pour qu’elle puisse s’exercer et, par expérience, une concertation bien organisée, loin d’être consommatrice de temps, en fait plutôt gagner et évite souvent des retours en arrière ou des remises en cause à un état avancé d’étude parfois même de réalisation.
Il faut en quelque sorte faire correspondre le temps des professionnels (temps d’étude, temps administratif, temps de décision etc.) et celui du public (temps de prise de connaissance, de débat, de réponse etc.). Et il est souvent reproché à juste titre aux maîtres d’ouvrage de fournir des documents trop tard pour qu’ils puissent être réellement étudiés ou d’attendre une réponse trop rapide par rapport au temps nécessité par l’étude sérieuse d’un dossier ou la consultation d’un public plus large. C’est que cette mise en correspondance des temporalités n’est pas chose facile et demande un véritable travail.
La concertation doit se professionnaliser et être prise avec le sérieux qu’il convient d’accorder à un thème qui est peut-être aussi complexe qu’un calcul de béton armé ou que la détermination d’un programme (sans pour autant la mythifier dans un sens ou un autre). On peut rajouter que la prise en compte d’un tel processus est un engagement de continuité .
Pour faciliter la concertation, il est préférable d’adapter le processus d’étude traditionnel des projets en sollicitant notamment les maîtres d’¦uvre de manière à ce que réflexion et propositions avancent par étapes successives, précisément préparées et organisées. Chacune d’elles est l’occasion de présenter à la discussion et au débat plusieurs hypothèses différenciées, qui cependant doivent toutes être pertinentes (l’expérience montre qu’il n’y a pas une réponse satisfaisante et une seule à une question). En d’autres termes, on n’arrive pas avec un projet ficelé mais avec des hypothèses vraisemblables dont on vérifie la pertinence, sur lesquelles on sollicite un avis. Cela suppose, pour que le débat soit fécond, éclairé, que la maîtrise d’ouvrage maîtrise bien la commande, l’organisation du temps, des plannings afin que soit bien organisées les conditions qui permettront d’exercer pleinement les possibilités de choix qu’offre le processus. C’est l’un des moyens pour permettre l’appropriation du projet par les usagers.
Bien entendu, pour que ce processus fonctionne, un certain nombre de règles complémentaires doivent être appliquées faute de quoi la consultation du public peut s’avérer sans intérêt voir d’un effet négatif. Ainsi, les enjeux doivent être présentés clairement à chaque phase du processus, à partir de documents lisibles, compréhensibles par tous , les questions doivent être précisément posées et au bon moment, c’est-à-dire ni trop tôt ni trop tard dans une phase alors qui risquerait de perturber le déroulement du processus.
Il faut signaler qu’il ne sert à rien de convaincre le public sur une présentation d’hypothèse qu’il n’aura pas comprise car dés lors que la réalité de ce qui sera produit apparaîtra –à l’occasion des travaux par exemple-, l’incrédulité et l’amertume en seront d’autant plus grands ; ou alors c’est à la phase suivante de la consultation que la prise de conscience se fera, remettant en cause la décision prise précédemment, à l’étape antérieure.
Le pilotage de ce processus complexe revient au maître d’ouvrage ; sa connaissance des différents intervenants lui donne les moyens de maîtriser l’évolution du projet et de le guider jusqu’à son terme. Sa qualité d’écoute est essentielle, tout comme celle du maître d’¦uvre qui doit pouvoir se nourrir des informations recueillies pour alimenter le projet. Permettre à la diversité des acteurs de s’exprimer et de nourrir le projet de transformation, organiser le processus de sorte que chacun devienne un acteur du changement au lieu de le subir, permet d’éclairer sous un jour différent le professionnalisme des concepteurs : il est ainsi mis au service de l’intérêt public dans un rôle bien compris qui n’a rien du démiurge.
Savoir écouter, ne pas répondre tout de suite à tout mais retenir, « absorber » de manière à plus tard, dans l’exercice de la responsabilité de maître d’ouvrage ou dans la conception du projet, regarder de quelle manière une remarque pertinente peut être intégrée.
On peut rajouter que la prise en compte d’un tel processus est un engagement de continuité .
Depuis plusieurs années, de nombreuses villes ont conduit des politiques d’aménagement urbain qui ont permis la réappropriation d’un plus ou moins grand nombre de sites. Dans le même temps et pour les collectivités les plus actives, une restructuration des rues au profit de trottoirs plus large a dans le meilleur des cas complété une action qui, tout en améliorant sensiblement la vie des citadins, n’a pu enrayer un accroissement souvent très fort des déplacements. Ceux-ci constituent une demande sociale qu’il est nécessaire de prendre en compte et à laquelle l’augmentation des transports en commun ne permet en aucune façon de répondre. En d’autres termes, malgré des investissement considérables les villes fonctionnent globalement plutôt moins bien et aucune action et d’ailleurs aucune échéance n’est prévue nulle part pour déterminer un moment ou le problème serait enfin résolu. L’action publique court après une réalité qu’elle ne parvient pas à rattraper.
En un peu plus de 10 ans, ce seront pratiquement 300 espaces qui auront été aménagés sur l’agglomération. Ils concernent tous les quartiers et toutes les typologies urbaines, depuis les centres des communes jusqu’aux squares de proximité, aux lignes de tram ou aux pôles d’échanges des transports.
L’impact en aura donc été considérable sur la ville et la manière d’y vivre. Certains sites méritent encore un tel traitement et bien sûr des lieux de toute façon bougeront, évolueront du fait d’actions concernant d’autres thèmes que la vie de proximité (lignes de transport, déclassement de voies rapides, construction de nouveaux quartiers, d’équipements etc.), ou du fait d’autres maîtres d’ouvrages (DDE, promoteurs privés, Département etc.). Il convient donc que cette attention à la qualité se poursuive car l’urbanité n’est pas seulement dans les « places de la mairie » mais dans tous les lieux de la ville.
Les villes ont évolué et donc les questions à résoudre aussi. Des compétences se sont construites, disponibles aujourd’hui dans les collectivités, des pratiques de partenariat se sont constituées.
J’ai appelé cette proposition d’évolution de la politique urbaine « points, lignes, surfaces », du nom que nous avions donné à une sorte de plan des espaces publics que nous avions conçu il y a quelques années avec les services de la Ville et de la Communauté Urbaine et l’Agence d’Urbanisme.
De la proximité aux liens entre les lieux
Des lieux ont été aménagés mais les liens entre eux manquent et c’est vraisemblablement là que se situent pour une part les enjeux d’aujourd’hui en terme d’espaces publics, non plus des lieux statiques mais les lieux de la continuité des déplacements dans la ville. Non pas les déplacements automobiles qui sont eux assurés correctement mais les déplacements domicile-travail ou de loisirs ou encore les déplacements entre les quartiers ou entre ceux-ci et les centres. Les automobiles ont assuré pendant longtemps au prix que l’on connaît ce service et d’ailleurs, depuis 10 ans, la circulation voiture n’a cessé d’augmenter malgré les initiatives importantes qui ont été prises. Les déplacements en TC doivent certes s’étendre, mais certainement en tenant compte d’autres logiques et selon d’autres modalités sur lesquelles nous reviendrons car pour l’heure et selon le rythme et les fonctionnements actuels, ils ne sont pas en mesure d’apporter une réponse satisfaisante au désir de mobilité et à l’inverse à l’engorgement des villes.
Pour répondre à ces questions, au-delà de ces initiatives, il me semble que la priorité maintenant ne doit plus être dans une politique d’espaces urbains mais dans une politique de liens urbains.
Il s’agirait de s’appuyer sur la ville telle qu’elle existe pour repérer des sites linéaires qui pourraient assurer ce rôle entre les quartiers, entre les lieux eux-mêmes, de véritables boulevard piétons/2 roues accueillant aussi bien les vélos que les piétons, les rollers ou des activités de loisir
On l’aura compris, il ne s’agit pas de piétonniser au sens conventionnel du terme mais d’imaginer que la ville peut être vécue autrement qu’en voiture et que, pour cela, de véritables espaces actifs peuvent être créés, à l’échelle de l’activité urbaine elle-même (c’est-à-dire au-delà du simple élargissement de trottoir), à dominante multimodale mais dans lesquels l’automobile serait secondaire, marginalisée.
Des techniques de déplacement au service d’un projet de ville durable
Nous avons été les 10 dernières années dans une époque de réappropriation des espaces de la ville ; il s’agit maintenant de se réapproprier les liens dans la ville, les déplacements, au-delà des seuls TC. N’oublions pas et l’évolution de la circulation depuis 10 ans le montre bien, que tout ce qui ne sera pas fait maintenant et dans les années à venir dans ce sens contribuera à ce que le problème soit encore plus difficile, grave dans l’avenir.
Cette politique pour une ville durable en quelque sorte (même si en général je n’aime pas ce mot fourre-tout et qui semble plus un alibi qu’un engagement), pour une ville harmonieuse et qui fonctionne est une proposition nouvelle ; elle n’est pas la conceptualisation prétentieuse et vide de politiques déjà en ¦uvre mais demande une réelle implication, un projet public et des choix forts, pas nécessairement aisés à faire.
Ce n’est pas une politique de transports en commun relookée ou une politique de tram qui ne sont conçues, pour la première bien souvent que dans la seule logique de rentabilité des transports en commun, et pour la seconde comme une conséquence d’un certain phénomène de mode qui sacrifie l’objectif (une ville agréable et dans laquelle on se déplace aisément partout) au profit d’un des moyens (construire une ligne de tram). Cela signifie aussi ne pas améliorer la circulation uniquement pour que les voitures passent mieux (on peut mesurer aujourd’hui le résultat d’une telle approche) mais réfléchir à ces thèmes et les concrétiser par des actions dont l’objectif est de rendre possibles les liens que j’évoquais ci-dessus. C’est donc une transformation de la manière pour chaque organisme de travailler puisqu’elle demande qu’il se mette au service d’une logique globale (une ville durable), d’un projet global. Une telle approche a été mise en ¦uvre au début des années 90 dans la Presqu’île où, sur un territoire donné, dans un temps court (5 ans), ont été déterminés les lieux dont l’aménagement permettrait la création d’une véritable qualité de vie pour les habitants ou les visiteurs (flâneurs, touristes ou par exemple chalands), donnant les conditions aussi d’un véritable redéveloppement de ce site central et symbolique de l’agglomération. Alors, les actions concernant les TC, la circulation et le stationnement ont été réfléchies pour permettre cet objectif territorialisé, ce projet global.
La proposition de constructions de liens dans la ville procède de la même démarche mais cette fois étendue à toute la ville et à ses quartiers et en rapport naturellement avec l’agglomération.
C’est le contraire de la logique mise en ¦uvre dans la construction des lignes de tram: au lieu de construire seulement une ligne en 6 ans et de mettre toute l’énergie dessus en escomptant que, par la suite, elle aura un effet positif sur les déplacements dans la ville, il s’agit d’aller directement à l’objectif d’une ville qui fonctionne, de déterminer les lieux qu’il conviendra d’aménager ou de transformer pour assurer de manière pragmatique et réaliste ce fonctionnement, de construire ensuite l’organisation des transports, de la circulation, des parcs de stationnement au service alors de cet objectif et de mettre en ¦uvre les projets qui le rendront possible à une échéance déterminée et sans que cela renvoie aux calendes grecques (c’est une manière de maîtriser vraiment l’évolution urbaine et non de la subir ou de faire semblant de la contrôler alors qu’elle ne fait que nous échapper).
Alors, le choix du mode de transport n’est pas fait pour lui-même ou parce que c’est l’air du temps mais de manière à ce qu’il soit au service à un terme court d’une ville durable, ce qui ne peut se ramener à la présence ou non d’une ligne de tram (j’espère qu’on aura compris que je ne suis pas contre le tram mais pour une approche globale dans laquelle le choix du réseau et du mode de transport est réfléchi en fonction d’objectifs plus larges). A titre d’exemple, peut-on donner actuellement une échéance pour que la politique à l’¦uvre conduise à un fonctionnement harmonieux de la ville et de l’agglomération quand on voit que malgré la politique d’espaces publics, malgré l’effort fait en terme de transports, la pression automobile globale a augmenté considérablement depuis 10 ans ?
La continuité féconde de la politique d’une ville
C’est bien parce que les politiques menées ont eu de réels résultats, qu’elles ont construit des savoir-faire, une réflexion sur la complexité de la ville et sur les moyens de l’aborder, que je peux aujourd’hui faire de telles propositions qui vont plus loin, se nourrissent de ce qui a été fait et permettent à mon sens d’aller plus près de ce qui permettra à la ville d’assurer dans un avenir raisonnable pleinement son rôle dans le développement de la personne et de la société. Ne plus courir après une réalité qui continue à s’échapper mais la prévoir, l’analyser et construire un projet qui s’attaque à elle avec des moyens et des échéances à son échelle. L’âge 3 de la ville cher à certains n’est peut-être pas dans une nouvelle forme urbaine mais certainement plus dans une ville qui fonctionne bien pour tous, durable en ce qu’on en maîtrise l’évolution et que l’on s’est donné les moyens pour cela.
Une ville qui fonctionne, un projet réaliste pour Lyon
Ces propositions ne sont pas abstraites ou irréalistes. Elles supposent seulement de s’appuyer sur les compétences telles qu’elles se sont créées au sein des services communaux et communautaires pour, appréhendant la ville comme un organisme complexe ayant sont propre fonctionnement et mêlant notamment TC, parkings, espaces urbains et usages, déterminer les actions prioritaires et coordonnées qui rendront possibles dans le temps du mandat électoral les volontés politiques affichées par les élus. C’est ce qui a été fait à l’échelle de la presqu’île à une époque, ou de Gerland ou du centre de Vaulx-en-Velin. C’est parfaitement envisageable à une échelle plus vaste compte tenu à la fois des connaissances de l’état des lieux acquises à Lyon, des compétences en terme de gestion de projets complexes qui existent maintenant et de l’habitude de travail partenarial mise en ¦uvre depuis de longues années avec le Sytral ou par exemple Lyon Parc Auto.
La méthode pour construire ce projet de ville
Il s’agirait, si un tel projet était retenu, de construire une proposition de liens en collaboration avec les services des villes, du Grand Lyon et l’Agence d’urbanisme et qui assure bien la fluidité escomptée entre tous les lieux. Cette ou ces propositions diversifiées seraient alors analysées dans leur implication en terme de déplacements en général et en terme financier, et confrontées aux logiques des opérateurs des TC et des parkings notamment de manière à en analyser les conséquences. Un débat avec les élus pourrait ensuite être lancé, des décisions de programmation seraient prises, précédées ou suivies d’un débat public. Les divers acteurs et sociétés au service des collectivités pourraient alors mobiliser leurs financements et leurs équipes au service du projet global qui serait mis en ¦uvre par chacun selon sa propre responsabilité et en coordination avec les autres partenaires. Bien entendu, le contrôle que tout projet soit générateur de qualité urbaine au-delà de sa propre logique devrait aussi être assuré.
Cette proposition à première vue complexe est, selon ma propre connaissance des compétences en ¦uvre à Lyon, parfaitement réaliste. Elle correspond à ce que devront faire dans l’avenir toutes les villes pour assurer vraiment une qualité de vie à leurs habitants et à ceux qui pratiquent leur territoire.
La multiplicité des acteurs, des responsabilités et des phases d’une opération requiert un professionnalisme qui peut s’appuyer concernant le suivi, sur un certain nombre d’instruments : les plannings, le Comité Technique, le Comité de Pilotage Politique.
Les plannings
Il en existe de différentes sortes selon que l’on s’attache à suivre l’ensemble des actions développées par une politique ou, plus simplement, le déroulement d’une seule opération (planning de suivi d’une opération, planning de suivi de la réalisation des travaux, planning de suivi des actions de proximité). Il est de toute façon nécessaire de les utiliser à bon escient, c’est-à-dire de prévoir plusieurs niveaux de représentation selon la question à traiter.
Le suivi de la politique des espaces publics de Lyon
À Lyon, la politique d’aménagement des espaces publics demandait des moyens humains à même d’assurer le suivi et la mise en ¦uvre. C’est ainsi que nous avons formé et mis en place des services de maîtrise d’ouvrage à la Ville comme à la Communauté urbaine. Un chef de projet par opération a été désigné de manière à rassembler sous la même autorité toutes les compétences, toutes les logiques. Il a été chargé de constituer le programme, de conduire le projet de manière à le mettre en mouvement continu, à assurer les prises de décision et le suivi. Le choix de faire en sorte que chaque projet soit conçu par un maître d’¦uvre unique, de statut privé, a permis de clarifier les rôles de chacun, et de répartir les responsabilités entre une maîtrise d’ouvrage professionnelle et un maître d’¦uvre responsable. Le concepteur seul est en effet capable de rassembler dans un projet des logiques complexes, parfois contradictoire, de lui donner sa cohérence et de faire en sorte que cohabitent harmonieusement usages et fonctions.
Nous avons créé un groupe de pilotage, présidé par Henry Chabert, et qui comprend les principaux élus. Il se réunit régulièrement pour examiner programmes et projets. Ces réunions, d’abord hebdomadaires puis mensuelles, sont devenues le lieu où s’est élaborée une culture commune aux techniciens, élus, maîtres d’¦uvre, et autres acteurs concernés. Elles sont précédées et préparées par le Groupe Technique de Suivi formé des directeurs de services et de moi-même. Chaque projet lui est soumis à différents stades, les questions y sont posées, analysées, les solutions y sont exposées, les propositions éventuellement réorientées. Ce processus a permis de mener de front un grand nombre d’opérations, à l’échelle en tout cas d’une agglomération importante, de manière rigoureuse et selon une philosophie partagée. Trois cents espaces environ auront été aménagés depuis 1989 sur le Grand Lyon. Ils concernent tous les quartiers, toutes les communes, toutes les typologies que l’on peut recenser dans une ville.
Les actions de proximité de Saint-Étienne
À Saint-Étienne, la revitalisation du centre exigeait un certain nombre d’opérations importantes : restructuration de plusieurs places, rénovation de la ligne de tram, mise en place d’un nouveau plan de circulation, création d’un centre d’échanges et aménagement des abords du stade de même que la rénovation de ce dernier. Pour autant la ville ne pouvait se satisfaire d’une politique qui concentrerait toute l’énergie et l’argent sur le centre en négligeant les quartiers où la vie sociale est tout aussi essentielle. C’est ainsi qu’ont été décidées des actions de proximité. Toutes ont pour objectif d’agir vite afin d’enrayer le départ des habitants, et à grande échelle pour toucher tous les quartiers, avec des moyens en proportion avec les capacités financières de la ville, c’est-à-dire limitées.
Les compétences très diverses et complémentaires sont organisées au sein d’un processus très rigoureux où les tâches de chacun sont clairement définies et coordonnées.
Le travail consiste d’abord à faire choisir annuellement par les élus, à partir de leur propre connaissance des quartiers et des demandes qui remontent du terrain, formulées par la population, entre 20 et 30 lieux, relativement petits par leurs dimensions mais importants du point de vue de la vie quotidienne des riverains. Ces lieux sont ensuite analysés dans leurs logiques de fonctionnement, leurs typologies. Les enjeux y sont évalués et, après débat, un programme est constitué par le Service urbanistique, puis confié à un jeune concepteur afin qu’il élabore un projet. Ce dernier est soumis à la maîtrise d’ouvrage, aux services gestionnaires, aux élus et aux habitants. Il évolue, s’affine, se précise. Il passe ensuite sous la responsabilité du Bureau d’Etudes Espaces Publics de la Ville, qui en analyse les données techniques et financières, et constitue les dossiers de consultations. C’est le même service qui assure le suivi des travaux, assisté par le jeune concepteur de l’atelier. Ce dernier, que j’anime, a pour fonction de rassembler dans un même lieu, selon un processus commun et, le cas échéant, un travail collectif, tous les jeunes intervenants sur les actions de proximité. La rigueur de l’organisation, l’efficacité de chacun à son niveau de responsabilité, expliquent sans doute les délais extrêmement courts dans lesquels les opérations sont menées à leur terme (huit à douze mois entre la prise de décision et la fin des travaux). Aujourd’hui, vingt à trente sites par an ont été traités avec un niveau de qualité fort enviable, malgré des budgets restreints.
Les Comités techniques – Les Comités de pilotage politique
Saint-Étienne, une organisation rigoureuse

Le Service Urbanisme a réorienté ses compétences vers la conduite de projet, c’est-à-dire vers la fonction de maîtrise d’ouvrage afin d’assurer la réalisation des opérations retenues comme prioritaires. Chaque opération est prise en main par un chef de projet unique qui assume la coordination et la réalisation du programme, aidé par le Bureau d’Etudes Urbaines et Programmation. Il assure parallèlement le suivi administratif et financier, de même que l’animation des débats et la conduite de la concertation (avec les élus ou les habitants).
Aménager l’espace urbain nécessite de résoudre les contradictions qui lui sont propres, d’arbitrer entre les diverses logiques qui s’y affrontent. D’autre part, il faut se donner les moyens d’agir rapidement dans un souci de cohérence. C’est dans ces perspectives qu’ont été mis en place des processus décisionnels et de suivi, au niveau politique et technique : le Groupe de Travail Technique et le Comité de Pilotage Politique.
Le Groupe de Travail Technique : il est présidé par le Directeur du Service Urbanisme ou son adjoint, et rassemble le conseiller technique de la ville (moi-même), le Directeur du Service Espaces Publics et les responsables des travaux, des études ou des Services gestionnaires. Il se réunit tous les 15 jours et il examine les opérations présentées par les chefs de projets et les maîtres d’¦uvre à chaque étape majeure du processus d’étude, ceci sur le plan technique, esthétique, stratégique comme de la qualité des usages. C’est lui qui prépare le travail du Groupe de Pilotage Politique, qui est lui-même le lieu de décision.
Le Comité de Pilotage Politique : il est présidé par Claude Marder, Adjoint à l’Urbanisme, qui représente le Maire, Michel Thiollière. Il est formé des élus dont la délégation est liée au fonctionnement ou à l’aménagement de l’espace urbain (stationnement, circulation, commerce, patrimoine…). Sont également présents les responsables des services techniques, de même que chaque chef de projet, lui-même accompagné du maître d’¦uvre. Ces derniers présentent les études à différentes phases du projet (Programme, APS,APD…), préparent les questions qui devront faire l’objet d’un débat puis être arbitrées. Ce dispositif permet une grande efficacité et favorise par ailleurs la cohérence puisque chaque projet, quelle que soit sa dimension ou sa localisation, est soumis au Comité de Pilotage.