Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste du centre-ville de Saint-Denis nous explique son rôle dans la rénovation du centre-ville et son point de vue sur ce qui fait la spécificité de la démarche qui a été conduite.
Comment êtes-vous arrivé à Saint-Denis ?
JPC. Je suis conseiller technique du Grand Lyon depuis de nombreuses années et j’ai été beaucoup impliqué dans la politique d’espaces publics qui a été menée depuis le début des années 90. Quand les réflexions se sont engagées pour la rénovation du centre-ville, la Ville de Saint-Denis a souhaité s’adjoindre le renfort d’un urbaniste pour assister ses services. J’ai donc été contacté avec d’autres, et retenu. J’en suis heureux car c’est une des expériences les plus passionnantes de ma vie professionnelle !
Quel est donc votre rôle ?
JPC. Mon travail n’est pas d’arriver avec des idées toutes faites. En tout cas c’est comme ça que je le conçois. Il est d’abord de comprendre la cité, son contexte urbain mais aussi ses activités, sa culture. Avec ceux qui chaque jour la façonnent ou la gèrent (les élus, l’administration, les habitants…), il faut ensuite imaginer comment la faire évoluer. J’ai donc beaucoup écouté puis participé à l’élaboration d’un diagnostic partagé et enfin travaillé avec les techniciens à formuler des propositions adaptées.
La demande politique était que ce temps de la construction soit support de la vie démocratique. Nous avons donc, à partir des objectifs, produit trois hypothèses donnant plus ou moins de place aux piétons, aux voitures et aux bus. Leur impact sur les lieux, les fonctions urbaines ou les modes de vie a été analysé (la circulation, les espaces publics, le tourisme, les commerces…). Un débat public a alors été conduit et il a éclairé la décision des élus. On est ensuite passé d’une hypothèse générale au lancement de plus de 40 projets pour la concrétiser.
Plusieurs maîtres d’ouvrage, des concepteurs différents sont impliqués. J’assiste là encore les collectivités qui mènent à bien les actions ou en contrôlent la qualité.
Quelle spécificité voyez-vous dans la démarche de Saint-Denis ?
JPC. D’abord la solution finalement adoptée par la Ville et Plaine Commune me paraît intéressante car elle n’est pas dogmatique. Elle ne décrète pas : « la voiture, ce n’est pas bien, l’avenir est aux piétons ! ». Elle respecte un équilibre subtil entre les différents usages du centre et c’est bien le fait d’avoir associé et écouté beaucoup qui a permis une solution à la fois claire et qui intègre pourtant la complexité des usages. C’est sûrement une démarche que toutes les collectivités qui travaillent à l’évolution de leur territoire devront avoir dans l’avenir.
A ma connaissance, c’est aussi la première fois qu’une ville va aussi loin dans l’attention portée à la parole des habitants, au point de vue également de tous ceux qui sont porteurs de projets. Toutes les étapes, tous les projets ont fait l’objet d’une concertation soutenue. La halle du marché a été transférée dans de bonnes conditions. Avant l’installation des bornes, les riverains ont été contactés suffisamment tôt pour qu’ils ne soient pas être surpris. Les élus ont porté cette opération, les techniciens se sont fortement impliqués, le personnel communal a apporté sa contribution là où elle pouvait être utile à la réussite de ce projet pour toute la ville. Des renforts de compétence privés ont été judicieusement sollicités chaque fois que c’était nécessaire, ils ont été utilisés au mieux. A cette échelle-là, je ne l’ai jamais vu.
Alors Saint-Denis est-il exemplaire ?
JPC. Cette démarche l’est sûrement. En tout cas, il y a quelques semaines, des professionnels de Copenhague sont venus visiter le centre-ville et ont été fascinés par la manière dont ce projet a été conduit en un temps aussi court, avec autant de partenaires et une concertation aussi forte. C’est ainsi que l’on doit aborder l’urbain aujourd’hui.
Interview in Journal de la Mairie de Saint-Denis, N°31 de juin 2005